« J’ai intégré une démarche bas carbone en grandes cultures »
Dans la Nièvre, Mathieu Pot fait face à la difficulté de trouver de la valeur ajoutée en zone intermédiaire. Le marché volontaire du carbone est un moyen de valoriser ses pratiques.
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En 2020, Mathieu Pot a repris l’exploitation voisine de celle de ses parents, dans la Nièvre. Ensemble, ils ont une rotation commune (lire l'encadré). « Sur nos argilo-calcaires superficiels et séchants, les potentiels de rendements ne sont pas élevés, explique Mathieu. Économiquement, les cultures d’automne s’en sortent mieux, car nous n’avons pas d’irrigation pour les cultures de printemps qui craignent les coups de chaud. »
Dans cette zone intermédiaire, l’enjeu reste de trouver de la marge, qu’ils n’obtiennent pas par les rendements. La famille Pot a historiquement cherché de la valeur ajoutée dans des secteurs de niche (fleurs séchées, semences de persil, oignons porte-graines…) ou par des contrats en filière. C’est ainsi que Mathieu a engagé sa ferme et celle de ses parents dans les démarches « bas gaz à effet de serre », puis « bas carbone » depuis l’an dernier, proposées par sa coopérative, Axéréal, en partenariat avec Saipol.
Un diagnostic des fermes a d’abord été réalisé. « Il a fallu rentrer toutes les interventions des trois dernières campagnes dans le logiciel de Saipol : travail du sol, traitements phyto, récolte… C’était assez lourd », indique le jeune agriculteur, qui a aussi suivi plusieurs jours de formation technique avec un groupe d’agriculteurs engagés. Les Pot ont cinq ans pour améliorer le bilan carbone de leurs exploitations. Un objectif qu’ils estiment réalisable, car dans la continuité de leurs pratiques.
Engrais organiques
La famille a notamment remplacé une partie des engrais minéraux par du compost, épandu avant le semis du colza, et du fumier, via un échange paille-fumier avec un éleveur voisin. Celui-ci est destiné aux céréales ou aux parcelles dont ils jugent le taux de matière organique trop bas. « Nous n’exportons pas les pailles, sauf si les éleveurs en ont besoin les années de sécheresse. Et dans ce cas, on compense par l’apport du fumier. » Pour la partie minérale, ils privilégient l’azote liquide, avec un inhibiteur d’uréase pour éviter sa volatilisation. Les apports sur colza et céréales sont pilotés par satellite, avec Farmstar.
Les Pot centralisent dans un tableau les données des analyses de chaque parcelle de leurs fermes. Matière organique, pH, phosphore, potasse, magnésie… Le suivi est minutieux. « Entre les terres de mon cédant, qui les labourait, et celles de mes parents, en TCS depuis vingt ans, la différence est flagrante en termes de structure, matière organique ou population de vers de terre, rapporte Mathieu. C’est aussi ce qui m’a motivé à intégrer cette démarche. »
Depuis son installation, Mathieu cultive des protéagineux, que ses parents avaient eux-mêmes abandonnés faute de rentabilité. Féverole, pois, trèfle et luzerne pour la semence… Parmi ses essais, le pois s’en est le mieux sorti économiquement. Il implante aussi des couverts entre culture d’automne et de printemps, qu’il broie pour apporter de la biomasse.
Pour baisser encore leur bilan carbone, la famille Pot envisage d’aller plus loin sur la couverture du sol, en ne le laissant jamais nu. La réduction du travail du sol contribue par ailleurs à diminuer la consommation de carburant. « Notre but n’est pas d’aller vers 100 % de semis direct, mais de limiter autant que possible les interventions », détaille Mathieu.
Cette démarche « bas carbone » coûte 980 €/an pour les deux exploitations, pendant cinq ans. Les agriculteurs sont rémunérés d’une part par Saipol, par des crédits carbone. Axéréal a également ouvert deux marchés bas carbone, l’un en orge de brasserie « Malt neutre » pour sa filiale Boortmalt, l’autre en blé tendre pour sa filiale Axiane Meunerie et Vandermoortele. « Les crédits carbone représentent un quart de la rémunération de la démarche, et les contrats Axéréal trois quarts. En orge brassicole, cela représente une valorisation 15 €/t », explique Mathieu.
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